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Mohamed Rehouma, prof de mathématiques
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« Si j’avais pu participer à un projet comme celui-là, à leur âge, j’y serais allé les yeux fermés. »

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Mohamed Rehouma, professeur de mathématiques

Huit ans de campus, ça en fait des heures et des jours passés en compagnie de la nouvelle génération. Malgré sa puissance de calcul, Mohamed Rehouma semble avoir perdu le compte. Ce qui ne l’empêche pas de retrouver, à chaque fois, les élèves de l’Institut avec l’enthousiasme du premier jour. Entretien.

Qui êtes-vous, Mohamed Rehouma ?

J’ai 49 ans et je suis enseignant titulaire pour l’Éducation nationale à Marseille. J’enseigne les mathématiques au lycée Marie Curie à des classes de plusieurs niveaux : une classe de seconde, des classes de première technologique, des terminales générales et des classes de BTS. Ça fait une vingtaine d’années que je fais ce métier et j’ai travaillé dans une trentaine d’établissements tout au long de ma carrière.

Depuis combien de temps donnez-vous des cours sur les campus de l’Institut Louis Germain ?

Ça fait bientôt huit ans. À partir du moment où j’y ai mis les pieds, j’ai été conquis. J’ai pu suivre pas mal de cohortes d’une année sur l’autre. On a tout à gagner à bien connaître les élèves : selon leurs qualités et difficultés, on fait en sorte d’optimiser les séances et les moments passés avec eux.

Quelles sont les différences par rapport à vos conditions habituelles d’enseignement ?

Déjà, les élèves signent une charte d'engagement. On ne les force pas à venir. Ils savent pourquoi ils sont là : participer à un campus d'excellence. Ils sont vraiment hyper-motivés. On essaie de les pousser au maximum avec des classes homogènes qui permettent d’avancer plus vite. Résultat : dans un collège ou un lycée lambda, j’aurais besoin de douze heures pour faire ce que je fais en trois heures avec un groupe de l’Institut Louis Germain ! 

Autre différence majeure : on commence tous les cours par un quart d’heure lecture. Si je ne les arrête pas, ils pourraient continuer pendant une heure ou deux. Ça prépare les élèves à bien se concentrer.

Est-ce que certaines méthodes pédagogiques mises en place lors de vos cours ont particulièrement porté leurs fruits ? 

L’important, c’est d’y aller de manière progressive. On commence par faire des rappels de cours. Ensuite, on donne des exercices de plus en plus difficiles. Avec ces élèves, il n’y a pas de limites ! 

Tout au long du cours, il y a un vrai échange. Ils sont très curieux, ils posent beaucoup de questions. Ce qui nous amène souvent plus loin que prévu : on leur explique des notions mathématiques qui dépassent le programme et ils sont demandeurs même s’ils ont parfois du mal à comprendre.

Il y a autre chose qui leur plaît beaucoup, et à moi aussi : c’est l’aspect démonstration. En maths, on donne un résultat mais on doit aussi expliquer d’où vient ce résultat. C’est parfois un peu difficile dans les classes. Mais à l’Institut, ils veulent vraiment comprendre. On sent qu’ils sont là pour ça, qu’ils attendent ça. 

Selon vous, quels bénéfices les élèves retirent-ils de leur participation aux campus ?

Au-delà de la découverte et de l’approfondissement de certaines notions, je crois qu’ils viennent aussi chercher des conseils sur les cours, leurs projets, leur avenir. 

Pendant les campus, l’Institut organise des conférences pour montrer aux élèves toutes les possibilités qui s’offrent à eux, notamment pour leurs études supérieures. Une année, on a même emmené des groupes de première découvrir des grandes écoles comme HEC ou Polytechnique. Ils ont pu passer une journée à Paris et voir comment s’organise la vie dans un campus prestigieux. Ça ouvre des perspectives.

Le message qu’on veut leur faire passer c’est que, s’ils s’en donnent les moyens, s’ils font les efforts, rien n’est fermé.

Vous avez vu des élèves se métamorphoser au fil des campus ?

J’ai plein d’exemples en tête. Je me souviens d’un garçon, que j’ai connu en troisième et suivi jusqu’en terminale. C’était un élève doué, qui avait certaines facilités en mathématiques, mais pas un élève brillant. À force de travailler, à force de persévérance, j’ai senti qu’arrivé en terminale, il avait franchi un palier. Il est devenu vraiment très bon. D’ailleurs, il a réussi à intégrer une classe préparatoire. Rien ne le prédestinait. En troisième, ça aurait été difficile d’imaginer qu’il ferait une prépa. Vous ne m'empêcherez pas de penser que sa participation aux différents campus et son niveau d’implication ont joué un rôle important.

De la troisième à la terminale, à raison de cinq campus par an, ça fait beaucoup d’heures. Les élèves assidus et investis y trouvent forcément leur compte !

Quel conseil leur donneriez-vous ?

Le secret, c’est le travail personnel qu’ils doivent fournir derrière. Venir en cours, c’est bien, mais si le soir-même ils ne prennent pas le temps nécessaire pour reprendre ce qu’ils ont vu, ça ne sert à rien. Pas pendant trois heures mais au moins une petite heure pour s’assurer qu’ils ont bien compris les notions abordées et qu’ils seront capables de s’en resservir.

Est-ce qu’il vous arrive de vous reconnaître dans le profil de certains élèves ?

Mon parcours n’est pas aussi brillant, mais si j’avais pu participer à un projet comme celui-là à leur âge, j’y serais allé les yeux fermés. Je trouve que l’Institut leur propose une belle aventure. 

Qu’est-ce qui vous a motivé à participer aux campus de l’Institut Louis Germain ? Qu’est-ce qui vous a conduit à y rester ?

À l’époque, un prof de maths, également formateur, m’avait parlé du projet et averti que l’Institut cherchait des profs de maths motivés. Depuis huit ans, je prends énormément de plaisir parce qu’en face de moi, j’ai beaucoup d’attente, d’envie et de motivation. 

Pour les enseignants, ce sont des conditions de travail idéales. En moyenne, les classes de l’Institut Louis Germain ne dépassent pas les vingt élèves. On a même parfois des groupes d’une quinzaine d’élèves. C’est génial parce qu’on est plus disponible, on peut aller au contact plus régulièrement, on peut répondre aux besoins de chacun des élèves.

Et puis c’est stimulant : il y a zéro temps mort. Physiquement, quand je sors de 3h de cours, je suis épuisé ! Les échanges sont permanents. Je crois que les élèves aiment bien. Ils ne se plaignent pas. Ils ne vont jamais dire « c’est trop dur, on n’a pas compris ». 

Est-ce que vous êtes sensible à la dimension sociale ou politique de l’action de l’Institut Louis Germain ?

Oui, ce qui compte pour moi, c’est d’avoir le sentiment d'être utile.

En tant qu’enseignant, on prend nous aussi sur nos vacances. On pourrait très bien avoir envie de lever le pied après un trimestre difficile… Mais on attaque chaque nouveau campus en étant hyper-motivé. On est content de se retrouver avec les collègues et d’aider des jeunes collégiens et lycéens à approfondir leurs connaissances en maths et en français pour qu’ils puissent accéder à de hautes études. C’est complémentaire de l’Éducation nationale et gratifiant pour nous. 

Une étude de l’université d’Oxford, publiée en 2021, souligne que ne plus étudier les mathématiques affecterait le développement cognitif des adolescents de 16 à 18 ans. Comment est-ce que les maths participent à structurer l’esprit et la pensée des adolescents ?

Vous savez, tous les élèves demandent la même chose : « Les maths, à quoi ça sert ? » Ils n’y verront peut-être pas d’application concrète mais faire des maths régulièrement à un haut niveau va les aider dans la vie. Il m’est arrivé de résoudre des problèmes de la vie quotidienne grâce aux maths, en étant rigoureux, sans aller trop vite, en identifiant bien le problème.  

Les mathématiques, ce n’est pas que faire des dessins et des calculs. Le principal carburant, c’est le raisonnement. Ça se travaille. Il faut du temps. Mais après, ça vous aide pour tout : trouver les mots, enchaîner les idées…

D’ailleurs, au fur et à mesure que les années passent, les élèves ne posent plus la question. Ils sentent qu’avoir fait des maths les a aidés bien au-delà des mathématiques. 

Pourriez-vous citer un théorème ou une notion qui a profondément marqué l’une de vos classes ? Pourquoi ?

Au collège, c’est évidemment Thalès et Pythagore. Je crois que les élèves sont sensibles au fait qu’il y ait des hommes en chair et en os derrière les théorèmes. C’est beau qu’on parle encore aujourd’hui de mathématiciens de l’Antiquité. D’ailleurs, c’est un peu dommage qu’on ne consacre pas un peu plus de temps à leur vie et à l’histoire des mathématiques au collège. 

Comment essayez-vous de stimuler la curiosité des élèves pour qu’ils développent leur « culture scientifique » ?

Ça dépend beaucoup du choix des problèmes et des exercices. J’essaye de les rattacher à un résultat obtenu par un grand mathématicien, de contextualiser cette découverte : ils rebondissent et posent des questions. 

Il faut que chaque exercice ouvre des perspectives aux élèves. Parfois, ça nous fait déborder. L’objectif reste de travailler les notions mathématiques qui sont au programme. Cela dit, il y a plein d’occasions pour stimuler leur culture scientifique. Les ressources mathématiques sont infinies.