« La chance, il faut savoir la saisir ! »
Pendant des années, l’activité de John Persenda – les emballages ménagers – a été marquée par le consumérisme et le plastique à usage unique. Puis, un jour, en 2005, le dirigeant a pris un virage drastique et réinventé son modèle économique pour miser sur la transition écologique. Un pari d’avenir qui fait écho au soutien qu’il apporte depuis trois ans à l’Institut Louis Germain. Entretien.
Qui êtes-vous John Persenda ?
Je suis le président-directeur-général du groupe Sphère. C’est un groupe européen, français principalement, numéro 1 dans les emballages ménagers et la fabrication de matériaux et de sacs biocompostables à base de fécule de pomme de terre. Nous sommes implantés en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Allemagne, au Benelux, en Grande-Bretagne. Je l'ai créé il y a 50 ans. Ça s’appelait SP Metal et on était 4 personnes. En 2000, nous étions 40. Aujourd’hui, nous sommes 1 500 et nous faisons 800 millions de chiffres d'affaires.
Quel est votre rapport à l’école ?
Ma mère était anglaise, mon père italien. De 5 à 9 ans, je suis allé à l'école en Angleterre, avant d’arriver en France. On m’appelait « l’Anglais ». Mais ça ne me gênait pas. J’étais assez fier d’être étranger. Comme maintenant je suis fier d’être Français.
Cela dit, ça n’a pas été facile. Je ne savais ni lire ni écrire en français. Je peux vous dire que jusqu'à 15 ans, j’en ai bavé. J’ai pleuré sur les dictées, oui. C'est une horreur l'orthographe française ! J’ai dû me battre, peut-être plus que les autres. Heureusement, j’étais bon en calcul.
Est-ce que d’une manière ou d’une autre les activités de l’Institut font écho à votre histoire personnelle ou aux activités de votre entreprise ?
Moi, j'ai eu de la chance, comme on dit. Encore que la chance, il faut savoir la saisir. D’ailleurs, les élèves de l’Institut, eux aussi, prennent la chance au passage.
Je trouve ça merveilleux : ces jeunes qui veulent réussir, ils réussiront, aucun doute là-dessus. Quand on veut se battre, on réussit encore mieux que ceux qui ont l'avantage d’être nés avec une cuillère en argent dans la bouche.
Depuis combien de temps supportez-vous les activités de l’Institut Louis Germain et comment ?
Ça fait maintenant trois ans que nous suivons et finançons les tutorats d’excellence de l’Institut Louis Germain à travers notre fondation d'entreprise.
C’est un projet qui est aussi important pour nous que ce que nous faisons, par exemple, avec la fondation Dominique Lapierre en Inde, à Calcutta, où nous aidons les enfants handicapés, les enfants lépreux, ou encore quand nous aidons à la création de puits pour que les paysans puissent récolter de l'eau pendant la mousson et ne quittent pas la campagne pour la ville où ils ne trouveront rien d’autre que la misère.
Il y a quatre mois, je suis allé au collège Simone-de-Beauvoir, à Créteil et j’ai vu la motivation des élèves. J’ai assisté à une réunion où il y avait un jeune étudiant d’HEC. J’en ai profité pour dire que, si les élèves ont besoin d’un stage, ils peuvent compter sur nous. Nous avons des usines, des bureaux un peu partout en France : Nantes, Paris, Dieppe, Reims…
Et nous avons bien l’intention de renouveler notre engagement auprès de l’Institut Louis Germain, année après année.
Comment en avez-vous entendu parler ?
Un jour, j’ai reçu un livre. C’était Le premier homme, l'ouvrage posthume d'Albert Camus, avec un petit mot qui disait : « J'ai beaucoup aimé ce livre. J'espère que vous l'aimerez aussi. » C’est comme ça que je suis entré en contact avec M. Puel.
Que pensent vos collaborateurs de cet engagement aux côtés de l’Institut Louis Germain ?
Ça passionne tout le monde. C’est quelque chose qui soude les membres de notre entreprise, qu’ils soient Français, Anglais, Allemands, Italiens, Espagnols ou Portugais. Ils suivent ça avec intérêt. D'ailleurs, nous avons imprimé le bouquin avec les témoignages et nous l’avons envoyé à nos 1 500 collaborateurs.
Pourquoi votre entreprise soutient-t-elle précisément l’Institut et ses campus plutôt qu’une autre association qui interviendrait également en milieu éducatif ?
Là, on demande à des jeunes de sacrifier une partie de leurs vacances pour étudier et construire leur futur. Je suppose que certains abandonnent au début du campus, mais j’ai l’impression qu’ils sont tout de même une écrasante majorité à rester.
C’est fabuleux que des jeunes filles et des jeunes garçons s’engagent de façon volontaire, portés par un désir d'excellence.
Selon vous comment les entreprises pourraient-elles s’engager pour donner plus d’ampleur à l’action du tutorat d’excellence ?
En recrutant. Nous, par exemple, nous sommes 1 500, bientôt 2 000. Nous sommes tout à fait prêts à prendre des anciens élèves de l’Institut Louis Germain, une fois qu’ils seront diplômés.
Qu’ont-elles à y gagner ?
Beaucoup mais, quand on a une fondation, c'est pour donner, pas pour recevoir. Cela dit, j’invite les ambitieux à postuler chez nous : les meilleurs, ceux qui ont l’esprit d’équipe et ne sont pas individualistes. Vous savez, j’ai des collaborateurs qui sont là depuis 38 ans.
Vraiment ?
Oui, je pense à mon directeur général. Il est entré chez nous quand il avait 23 ans. Il est Mauricien. Il a fait une prépa HEC en France grâce à une bourse du gouvernement français. À l’époque, il vivait dans un foyer Sonacotra, comme beaucoup d’immigrés. Il a eu HEC. Il est sorti major de sa promotion. Quand je l’ai rencontré, je lui ai demandé comment il se voyait dans quelques années. Il m’a répondu qu’à 30 ans, il épouserait une Mauricienne et rentrerait à Maurice pour écrire un opéra.
38 ans après, il est toujours avec moi et il a épousé une Française.
Quid de la dimension sociale de l’Institut ?
Elle est réelle. Moi, ce qui me touche, ce sont les parents. Même si les élèves décident en leur âme et conscience de participer aux campus, on sent que les parents sont impliqués. On ressent leur fierté, leurs espoirs de voir leurs enfants réussir. Et ils ont raison : au collège Simone-de-Beauvoir, j'ai vu des classes très studieuses, avec des garçons et des filles qui étaient très engagés dans leur travail.
Un mot pour finir ?
Si je pouvais formuler un vœu, ce serait que l’Institut continue de se développer un peu partout en France. Je veux aussi féliciter toute l'équipe : les enseignants, les parents, les éducateurs, les proviseurs qui mettent leur établissement à disposition… C’est une belle aventure et il faut qu’elle continue de rayonner pour que les élèves qui le désirent puissent acquérir un socle culturel fort. La culture générale, ça vous transforme un homme ou une femme. C’est ce qui vous permet de choisir votre vie, développer vos propres idées et comprendre comment fonctionne la société.